Le régime syrien a réussi pendant ces 30 mois à faire exploser la férocité de sa répression en passant de quelques morts par jour en 2011, à plus d’une centaine en 2012. Une macabre ascension qu’il a réussi à rendre banale auprès de l’opinion publique et de la communauté internationale. Et voici que l’humanité, depuis le 21 août dernier, est confrontée à la perspective effrayante de devoir s’accoutumer à plus d’un millier de morts par jour et à voir des armes non conventionnelles mises au service de criminels sans scrupule.
Le régime syrien est le maître de l’esquive dans ces opérations pourtant bien identifiées, grâce à un soutien sans faille de ses alliés russes et iraniens, et à sa manipulation de l’information qui lui permet de déjouer les plans de secours au peuple syrien.
Aujourd’hui, suite à l’utilisation des armes chimiques à grande échelle, nous ne parlons pas seulement de millions de réfugiés syriens dans les pays voisins, ni de dizaines de milliers de victimes ou de détenus torturés au quotidien, ni de destruction systématique des villes révoltées. Nous parlons aujourd’hui d’un choix éthique auquel toute l’humanité est maintenant confrontée, et qui va certainement définir sa ligne de conduite vis-à-vis des conflits du monde dans les décennies à venir. Désormais, sauver les civils en Syrie veut dire sauver les civils dans le monde entier.
On ne peut comparer cette situation avec celle de l’Irak en 2003. En Irak, la CIA avait produit de fausses preuves de stockage d’armes de destruction massive ; le lobby pétrolier avait spéculé sur l’approvisionnement énergétique. La Syrie est un pays géopolitiquement important mais elle ne participe pas à un enjeu stratégique quant à ses ressources en produits pétroliers. Et contrairement au cas de l’Irak, il est établi que des armes chimiques ont été utilisées le 21 août 2013 à Damas, faisant plus d’un millier de victimes dont des femmes et des enfants, tous dans des quartiers libérés par les opposants à la dictature.
En Syrie, seul le régime possède la technologie nécessaire à la fabrication des gaz toxiques. Lui seul s’est doté d’une véritable armée chimique et en possède un stock utilisable à grande échelle. Seul le régime syrien possède l’arsenal balistique pour le transporter. De toute urgence, ce régime doit être démuni de toute espèce d’armes chimiques, mais aussi de son écrasante puissance de frappe aérienne et balistique.
Dans ce contexte, face à l’ampleur du conflit et aux enjeux géopolitiques qui en découlent, seules les grandes puissances démocratiques peuvent arrêter un tel désastre. Elles seront sûrement suivies par la Ligue Arabe, la Turquie, l’Australie et d’autres pays qui donnent plus d’importance à l’humain qu’à autres considérations.
Nous entendons les arguments de certains d’entre vous : « Toute action militaire en Syrie favorise les djihadistes ». Mais c’est justement le laisser-faire qui favorise les extrémismes ! Celui des djihadistes et celui du président syrien. Mesure-t-on les conséquences d’une non réponse, le message adressé aux dictateurs du monde entier ? Bachar Al Assad se gausse déjà de l’impuissance occidentale et sans doute les autres dictateurs avec lui. Vous avez raison de vous émouvoir de la présence de milliers de djihadistes – étrangers le plus souvent – en Syrie. Mais l’on y dénombre 10 000 combattants du Hezbollah libanais et des milliers de Gardiens de la Révolution iraniens sans que cela suscite de réactions. Et avec la bénédiction de la Russie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’humanité a eu besoin d’hommes et de femmes braves et dignes pour se dresser contre la propagation d’une culture de mort et d’exécution massive. Aujourd’hui aussi, l’humanité a besoin de tels hommes et femmes pour qu’ils empêchent une semblable culture mortifère de s’installer.
Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les sénateurs, les Syriens ont besoin de vous pour les aider à sortir de l’étau dans lequel ils sont pris et pour redonner espoir à une population meurtrie après deux ans et demi de dévastation du pays par la dictature. Mais bien au-delà du périmètre de la Syrie, l’humanité tout entière a besoin de votre détermination pour protéger son avenir et ses principes moraux.
Veuillez agréer, au nom des collectifs et personnalités suivants, l’expression de notre sincère considération.
Premiers signataires
Personnalités (Syriens, Franco-syriens et Français)
Sakher Achawi, chirurgien-dentiste, Déclaration de Damas en France - Nadia Aissaoui, sociologue et féministe - Aïcha Arnaout, poète - Awabdeh Salim, Samira et Sana - Marcel Bozonnet, comédien et metteur en scène, Appel d’Avignon à la solidarité avec le peuple syrien - Jean François Candelon, professeur Univ., Biarritz - Hanadi Chawa, doctorante en psychopathologie, féministe - Ali Cheikhmous, PhD en archéologie du Proche-Orient - Françoise Clément, chercheur, membre d’ATTAC - Sophie Cluzan, conservateur du patrimoine - Ahmad Daqqaq, enseignant à Sciences Po - Delphine Deboutray, artiste dramatique - Virginie Dörr, graphiste - Amélie Duhamel, journaliste - Bernard Faivre d’Arcier, ancien directeur du Festival d’Avignon - Burhan Ghalioun, écrivain, professeur de sociologie politique, ancien président du Conseil national syrien - Arlette Girardot, Collectif Urgence Solidarité Syrie - Wladimir Glasman, ancien diplomate - Bicher Haj Ibrahim, ingénieur-chercheur, Collectif du 15 mars pour la démocratie en Syrie - Subhi Hadidi, écrivain et journaliste - Isabelle Hausser, écrivain - Bachir Hilal, journaliste et écrivain - Imad Houssari, activiste syrien, Local Coordination Commitees - Nazih Kussaibi, Association Alsace-Syrie - Abdellatif Laabi, poète - Irène Labeyrie, architecte - Gérard Lauton, universitaire, Appel Solidarité Syrie - Racha Lotfi - Ziad Majed, professeur de science politique, Université Américaine de Paris - Monzer Makhous, Ambassadeur de la Coalition nationale de la révolution et de l’opposition syrienne en France - Farouk Mardam Bey, éditeur - Étienne Marest, consultant-formateur, association Revivre - Franck Mermier, chercheur au CNRS - Samira Mobaied, chercheuse - Michel Morzière, militant des droits humains, porte-parole du Collectif Urgence Solidarité Syrie - Pierre Navès, ancien élève de l’ENA, professeur associé à l’Université - Stéphane Olry, auteur, metteur en scène, comédien (Revue Éclair) - Raphaël Pitti, professeur de médecine, urgentiste - Jack Ralite, ancien ministre et ancien sénateur, Appel d’Avignon à la solidarité avec le peuple syrien - Rafif Al Rifai, artiste peintre - Meyar Al Roumi, cinéaste - Mohamad Al Roumi, photographe - Farid-Frédéric Sarkis, universitaire, franco-syrien, conseiller municipal EÉLV - Rania Samara, professeur d’université - Annie Sartre-Fauriat, professeur émérite des universités - Patrick Siarry, professeur des universités - Marie-Claude Slick, journaliste - Béatrice Soulé, réalisatrice - Mohamad Taha, archéologue, Comité de Coordination de Paris pour le Soutien à la Révolution Syrienne - Leïla Vignal, maître de conférences en géographie, CNRS/Université Rennes 2 - Emmanuel Wallon, professeur de sociologie politique, Appel d’Avignon à la solidarité avec le peuple syrien - Elias Warde, Université Paris-Sud 11 - Claude Yacoub, architecte, association Ila Souria -
Organisations :
Association Alsace-Syrie, Appel d’Avignon à la solidarité avec le peuple syrien, Appel Solidarité Syrie, Collectif du 15 mars pour la démocratie en Syrie, Collectif urgence solidarité Syrie, Comité de Coordination de Paris pour le Soutien à la Révolution Syrienne, Conseil National Kurde, Déclaration de Damas en France, Ila Souria, Jasmin de Damas (Rennes), Local Coordination Commitees, SouriaHouria, Revivre, Tous pour la Syrie (Rennes).
Cette lettre ouverte peut être signée auprès de appelsolidaritesyrie@free.fr et sur Facebook.