Le théâtre est avant tout une rencontre entre interprètes et spectateurs, mais il convoque aussi des complices et des témoins. Accompagnant l’essor du secteur du spectacle en France depuis le début des années 1980, des organismes spécialisés dans l’information, la documentation, le conseil ou la formation ont vu le jour à côté des théâtres, des centres culturels, des festivals, des écoles et des compagnies. Certaines de ces structures ont d’abord émané d’une initiative associative, voire individuelle, avant de croître avec l’aide des collectivités publiques. Les plus importants ont éclos sous l’aile du ministère de la Culture, qui exerce notamment sa tutelle sur le Centre national du théâtre (CNT), HorsLesMurs, Information et ressources pour les musiques actuelles (IRMA), l’Institut international de la marionnette, la Cité de la musique et le Centre national de la danse (CND) - quatre associations et deux établissement publics qui constituent des têtes de réseau dans leurs disciplines respectives. Leurs missions se rapprochent ou se recoupent en plusieurs points, de la collecte de données à la diffusion des savoirs, ce qui les engage à coopérer.
À la faveur de la décentralisation et de la construction européenne, l’offre de contacts et de connaissances s’est développée au niveau local, régional ou international, tout en se diversifiant selon les genres artistiques, au service des marionnettes, du conte, du mime, du théâtre itinérant, des écritures dramatiques. Paradoxalement, les usagers ont parfois du mal à se repérer dans ce foisonnement de lieux d’orientation, bien que l’informatisation des fichiers, la numérisation des fonds et la diffusion sur Internet en aient accru les performances. Les centres de ressources destinent leurs prestations à des publics variés : artistes et techniciens, administrateurs et programmateurs, professionnels et amateurs, chercheurs et critiques, étudiants et élèves... Dans le domaine du théâtre aussi bien qu’en matière de musique, on peut les répartir en trois catégories.
Généralistes, spécialistes, partenaires
Dans sa quête de renseignements, l’amateur de théâtre a de prime abord affaire à des “généralistes”, dont les attributions débordent les frontières de l’art dramatique et même du spectacle vivant, qu’il s’agisse de services ministériels, de centres de documentation pédagogique, de bibliothèques ou de musées. Outre des subventions, le ministère de la Culture délivre des informations, des statistiques, des analyses et des indications dont les artistes ont besoin pour élaborer leurs projets. En attendant le nouvel organigramme annoncé en 2008 et de futurs opérateurs, la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles (DMDTS) comprend une Mission de la communication, une médiathèque et un Observatoire des politiques du spectacle vivant. Le Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS), les services juridiques de la Direction de l’administration générale (DAG) et les documentations des autres directions, regroupées au siège de l’administration centrale, rue Saint-Honoré, traitent d’une façon globale des politiques culturelles. Pour leur part, les centres d’information et de documentation (CID) des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), assez disparates, renvoient volontiers l’usager vers les agences et les offices mises en place par les départements et les régions.
Les institutions de lecture publique assurent la garde du répertoire et l’entretien de la mémoire, mission à laquelle concourent aussi les Archives, nationales ou départementales, qui conservent des registres, des affiches, des programmes, des correspondances touchant à la vie théâtrale. La Bibliothèque nationale de France (BNF) gère le dépôt légal des parutions depuis le site de Tolbiac. Sur le site Richelieu, non loin de son Département de la musique, son Département des arts du spectacle veille, entre autres richesses, sur le legs d’Auguste Rondel (1858-1934), collecteur passionné de témoignages des spectacles de son temps. Des établissements municipaux, comme la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, ou universitaires, telle la Bibliothèque Gaston Baty de l’Université Paris 3, offrent un catalogue fourni en la matière. Par ailleurs, les musées d’Orsay, Guimet, du Quai Branly, ou l’ancien Musée national des arts et traditions populaires (MNATP), désormais voué aux civilisations méditerranéennes à Marseille, conservent des collections touchant aux « ombres collectives ». Radio-France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) couvrent des décennies d’histoire du spectacle. Faute d’inventaire méthodique du patrimoine immatériel, ces trésors restent épars.
En dehors du CNT, il faut mentionner quelques organismes qui font office de spécialistes dans une famille disciplinaire affiliée au domaine théâtral au sens large du terme. Certains dépendent de l’État : HorsLesMurs (centre national de ressources des arts de la rue et des arts de la piste) travaille en relation avec le Centre national des arts du cirque (CNAC) de Châlons-en-Champagne, de même qu’avec Lieux publics et les autres centres nationaux de création pour les arts de la rue ; à Charleville-Mézières, l’Institut international de la marionnette (IIM) abrite avant tout une école supérieure, à l’instar du CNAC, mais aussi une bibliothèque et des collections. En revanche le modeste Centre d’information du théâtre itinérant (CITI), installé à Hérisson (Allier), le pôle des arts du récit Mondoral, avec ses trois composantes fondatrices, et le discret Centre national du mime (CNM) doivent compter sur leurs propres forces autant que sur les subventions. L’interdisciplinarité tant vantée dans les programmes des scènes nationales et des festivals fraye donc à partir de lieux relativement cloisonnés.
La liste des partenaires serait bien plus longue. On y trouve d’abord les sociétés de perception et de répartition de droits (SPRD), comme les vénérables Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), Société des gens de lettres (SGDL) et Société des auteurs et compositeurs de musique (SACEM) qui défendent la propriété intellectuelle des dramaturges, écrivains et musiciens, mais encore l’ADAMI et la SPEDIDAM qui récoltent au service des interprètes les droits liés à la reproduction mécanique. Toutes collectent et distribuent des recettes, mais aussi des aides et des informations. Viennent ensuite les acteurs économiques du secteur, notamment l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et les ASSEDIC (Associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) : les deux réseaux, en cours de fusion en 2008, contribuent au recrutement et à l’indemnisation des professionnels du spectacle. Ces derniers relèvent de divers organisations paritaires, parmi lesquelles les caisses de retraite fédérées par Audiens, les Congés-Spectacle, ou encore l’Association pour la formation dans les activités du spectacle (AFDAS), ainsi que d’autres collecteurs de la taxe d’apprentissage. Ils y cherchent aussi des conseils pour guider leur carrière, voire leur reconversion. Par ailleurs, des agences aux statuts variés conduisent des études pour les collectivités territoriales, dispensent des services aux compagnies, proposent aux entreprises culturelles de toutes tailles la gestion de leur billetterie ou de leur paye. Les éditeurs, les libraires, les fabricants, les fournisseurs et autres prestataires, leurs syndicats et fédérations participent également à la mobilisation des ressources.
Circuits et réseaux
Le CNT aurait fort à faire s’il souhaitait coordonner tous ces acteurs, recensés dans les bases de données de son indispensable Guide-annuaire. Non seulement les métiers du théâtre se situent à un seuil élevé de spécialisation et se répartissent entre trois ordres (artistique, technique, administratif), mais ils se caractérisent par un goût prononcé de la singularité. Individualisme et pluralisme y sont de mise. En pratique, l’information relative à l’art dramatique emprunte quatre circuits.
Le premier privilégie la formation. Des fédérations d’amateurs aux cours privés, des écoles municipales au Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD), l’enseignement spécialisé recèle des bibliothèques aux richesses très inégales, les mieux fournies se trouvant auprès du CNSAD à Paris, de l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT) à Lyon, de l’École supérieure d’art dramatique (ESAD) du Théâtre national de Strasbourg. La formation permanente du comédien, financée généralement par l’AFDAS, et celle du technicien, assurée notamment par le Centre de formation des professionnels du spectacle (CFPTS) de Bagnolet et l’Institut supérieur des techniques du théâtre (ISTS) d’Avignon, comblent maintes lacunes de la formation initiale. Partenaire des établissements et des collectivités pour l’initiation en milieu scolaire, l’Association nationale de recherche et d’action théâtrale (ANRAT), qui confronte les points de vue des artistes et des enseignants, peut s’appuyer les Services Culture Éducation Ressources de l’Éducation nationale (SCÉRÉN) et les pôles nationaux de ressources (PNR) liés aux académies. Les militants de l’éducation populaire et de la pratique de loisir ont fêté en 2007 le centenaire de la Fédération nationale des compagnies de théâtre en amateur (FNCTA), tandis que les fédérations de maisons des jeunes et de la culture (MJC) saluaient les soixante ans de leur mouvement et que les Centres d’entraînement aux méthodes de l’éducation active (CEMEA) poursuivaient leur action, en Avignon comme ailleurs.
Le second circuit se dédie à la connaissance de l’art dramatique sous toutes ses formes et dans tous ses états. L’ampleur des fonds du Département des arts du spectacle de la BNF a justifié l’ouverture d’une antenne à la Maison Jean Vilar d’Avignon. Cependant les étudiants et chercheurs consultent les ouvrages usuels auprès des établissements qui leur sont accessibles, de la bibliothèque municipale à la Bibliothèque publique d’information (BPI) du Centre Georges Pompidou, et de la bibliothèque universitaire à la médiathèque de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), mais aussi, pour des documents spécifiques, de la Société d’histoire du théâtre (SHT) à la Bibliothèque-musée de la Comédie-Française ou à la Bibliothèque Barrault du Théâtre national de l’Odéon. Ils interrogent aussi les fichiers et les publications du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui a englobé le théâtre dans une unité pluridisciplinaire, l’Atelier de recherche sur l’intermédialité et les arts du spectacle (ARIAS), sise dans les locaux de l’INHA. Plusieurs de ces structures échangent au sein de la Société internationale des bibliothèques-musées du spectacle (SIBMAS).
Un troisième réseau s’occupe de l’écrit. Il a pour finalité de rapprocher les auteurs de leurs lecteurs et spectateurs, par le truchement des éditeurs et des metteurs en scène. Plusieurs organismes s’y consacrent, chacun à sa manière et selon ses moyens. Les sociétés civiles ne suffisant pas à leur action publique, quelques dizaines de dramaturges ont fondé les Ecrivains associés du théâtre (EAT). La DMDTS a délégué au CNT l’attribution de ses subventions à l’écriture, mais le ministère reste impliqué dans ce registre, notamment à travers le Centre national du livre (CNL) dont une commission verse des aides à l’édition théâtrale. Il finance le Centre national des écritures du spectacle (CNES) de Villeneuve-lès-Avignon, ainsi que la Maison Antoine Vitez de Montpellier, qui favorise la traduction de pièces étrangères. La mise en espace des écrits contemporains est la raison d’être du Centre dramatique national (CDN) Théâtre Ouvert, qui en édite également. Auprès de la SACD, l’association Entr’Actes informe régulièrement des parutions tandis que l’association Beaumarchais soutient des productions d’œuvres choisies. L’association Aux nouvelles écritures théâtrales (ANETH), distincte des éditions Théâtrales depuis plusieurs années, encourage la lecture de pièces publiées ou non parmi les comédiens amateurs et professionnels. Enfin depuis Besançon, le Centre de ressources internationales de la scène (CRIS) fournit aux auteurs des fenêtres sur son site Internet. La grande cause qu’est le renouvellement du répertoire a donc des serviteurs aussi dévoués que dispersés.
Le quatrième réseau est de loin le plus vaste. Les structures de production et de diffusion qui le composent opèrent sous tous les labels, suivant leur tutelle et leur taille, de la maison de la culture à la petite compagnie, sans oublier les festivals, et se rangent derrière différents syndicats professionnels, tel le Syndicat national des directeurs d’établissements artistiques et culturels (SYNDEAC). Les principales entités partagent leurs informations relatives aux tournées avec l’Office national de diffusion artistique (ONDA), mais aussi avec des agences d’échelle départementale ou régionale qui se sont souvent dotées d’une documentation, sinon d’un observatoire.
C’est dans cette large sphère que l’information naît, vit et parfois périt en vain. Le CNT et les centres de ressources à vocation nationale ne sauraient la canaliser en totalité, mais ils peuvent en faciliter la circulation. Une place éminente leur revient à l’intersection entre ces circuits. La plupart des pôles cités ici se situent à Paris. Avignon représente un autre carrefour, rallié de partout durant l’été. À l’occasion du Festival, les passionnés de théâtre et de spectacles sollicitent ses ressources, mais aussi celles de la Maison Jean Vilar, du CNES et de l’ISTS, voire celles de l’Université des pays du Vaucluse, de même qu’ils attendent des services de l’association Avignon Festival et Compagnies, qui a pris en 2007, au terme d’âpres querelles, la suite d’Avignon Public Off.
Emmanuel Wallon
Professeur de sociologie politique à l’Université Paris Ouest Nanterre
BIBLIOGRAPHIE
Emmanuel Wallon, Sources et ressources pour le spectacle vivant, Rapport au ministre de la Culture et de la Communication, Paris, juillet 2005, publié en ligne en février 2006.
Sites internet
Ministère de la Culture et de la Communication (fiches pratiques ; bases de données culturelles)